LE SAHARA EN SOLEX

Le long du Nil en vélo électrique

En juillet 2014, je traversais déjà le Sahara avec mon ami d’enfance Nicolas. Nous étions alors entre le Sénégal et le Maroc au volant d’une 4L, sur le point d’achever un tour du monde de plus de 50 000 kilomètres.

Quatre ans plus tard, c’est de l’autre côté du Sahara que nous nous dirigeons. Nous allons traverser le Sahara du nord au sud en longeant le Nil. Pas de caravane de dromadaires pour nous accompagner, mais deux vélos électriques pour parcourir les 2400 kilomètres qui séparent Le Caire en Égypte, de Khartoum au Soudan.

Résolument moderne, notre aventure est un test grandeur nature d’une forme de mobilité dite « douce » dans un désert d’une grande rudesse. Le Nil sera notre fleuve conducteur, source de vie et berceau d’une civilisation plusieurs fois millénaire. Nous pédalerons au gré des prises électriques, des temples et des pyramides. Bienvenue dans le royaume des pharaons et le désert de Nubie.

— ÉGYPTE —
Du Caire à Abou Simbel

Notre aventure commence au Caire en Égypte, d’où nous traçons sur une carte notre itinéraire jusqu’à la frontière soudanaise.

Nous partons en plein milieu de l’été 2018. C’est à priori la pire période pour se rendre dans le Sahara, mais c’est le seul moment où Nicolas peut se libérer 4 semaines d’affilée.

Pour cette aventure, nous avons conclu un partenariat avec la marque Easybike. Nous utiliserons deux vélos électriques Solex pour rejoindre Khartoum.

Les fameuses pyramides de Gizeh se trouvent à une vingtaine de kilomètres du Caire. Difficile de visiter l’Égypte sans y faire un tour. En les apercevant, nous ne pouvons nous empêcher de penser aux grands archéologues, à Tintin et à certains chefs d’œuvre du cinéma Français.

Les pyramides se dressent dans le désert, à la lisière de la ville.

Nous avons ordre de laisser nos vélos à l’extérieur du site. Nous approchons alors les pyramides à cheval et à dos de dromadaire. Depuis la révolution égyptienne de 2011, le pays peine à attirer des visiteurs étrangers et le site est vide de touristes au grand dam des acteurs du secteur.

Nous faisons un crochet par le complexe funéraire de Djéser à Saqqarah. Ici, l’entrée au sud-est de l’enceinte.

Nous poursuivons notre route sur nos montures électriques. Nous transportons dans deux sacoches fixées sur nos portes-bagages, tout ce dont nous avons besoin pour le prochain mois d’itinérance. Nous avons fait le choix de ne pas camper et de nous arrêter dans les petites guesthouses qui ne manquent pas le long du Nil. Nous roulons en chemise. Cela peut sembler être un choix surprenant, mais il fait extrêmement chaud à cette période de l’année. La chemise comporte de nombreux avantages. On peut ajuster le col et la longueur des manches en fonction de l’heure de la journée pour se protéger du soleil. Par ailleurs, si elle est choisie suffisamment ample, elle sèche très vite et le vent qui s’engouffre à l’intérieur donne une sensation de fraicheur.

Nous faisons étape dans des villes de moyenne taille. Ici à Beni Suef, nous trouvons refuge dans un hôtel avec une vue sur les toits de la ville. Au coucher du soleil, l’appel à la prière du muezzin résonne dans toute la ville.

Le soir, les cafés sont animés. On y prend le thé, on y fume le narguilé et on joue au « taoula », le backgammon égyptien. Ils ne sont fréquentés que par des hommes, comme souvent dans les lieux publics en Égypte.

Une felouque traditionnelle sur le fleuve à Al-Minya. Vue du ciel, L’Égypte est un vaste désert aride balafré par une veine verte dans laquelle coule les eaux du Nil. Sa crue annuelle dépose du limon qui fertilise les sols et remplit les réservoirs destinés à l’irrigation. Le Nil joue un rôle de premier plan pour l’agriculture et l’élevage. L’essentiel de la population égyptienne se concentre sur ses rives.

Sur notre route, la police est partout. Les checkpoints sont très nombreux. Une équipe de policiers nous accompagne pour aller visiter le monastère copte Deir el-Muharraq, à l’écart de la route.

C’est l’un des plus anciens monastères coptes opérationnels au monde (IVème siècle) et le lieu le plus sacré pour les coptes d’Égypte. Dans une population à 90% musulmane il sont extrêmement minoritaires.

Dans l’enceinte du monastère se trouve un marché couvert et des échoppes de thé. Nous sommes accueillis à bras ouverts par les fidèles et les pèlerins.

Le moine Philippe en charge de la maison d’hôtes nous fait la visite.

À l’intérieur du temple d’Amon à Louxor. Joyau de l’Égypte ancienne et vieux de 3500 ans, nous sommes émerveillés devant la puissance de cette civilisation.

Le temple de Karnak au petit matin. L’obélisque sur la photo ressemble beaucoup à celui qui jadis était au temple d’Amon et qui a été offert en 1830 au roi de France Charles X en signe de bonne entente. Ce dernier trône désormais sur la place de la Concorde à Paris.

À l’intérieur du temple, le gardien nous indique avec malice les meilleurs points de vue photo.

Nil, Nil, Nil. Avec une longueur d’environ 6700 kilomètres, il est avec l’Amazone le plus long fleuve du monde. Nous le suivrons jusqu’à Khartoum où il se décline en deux affluents : le Nil Blanc et Nil Bleu qui prennent leur source plus au sud encore.

En juillet 2018, la moitié ouest de l’Égypte est classée rouge par le Ministère des Affaires Étrangères, soit formellement déconseillée aux visiteurs . Le désert occidental à proximité de la Libye est une zone à risque en proie aux trafiquants et au terrorisme. La moitié est du pays dans laquelle nous nous trouvons est plus calme, même s’il est recommandé de rester vigilant.

Il y a de ce fait de très nombreux contrôles de police sur toute la route qui longe le Nil. On nous assigne des escortes policières entre chaque checkpoints sans qu’il soit possible de les refuser. Nous n’obtiendrons jamais d’explication concrète à ces escortes. Il semblerait que la région soit sous contrôle, mais que les touristes doivent bénéficier d’une attention particulière afin d’éviter tout incident.

Le temple d’Horus à Edfou. C’est un des monuments les mieux conservés de toute l’Antiquité. Le temple surplombe une cour à ciel ouvert entourée de portiques.

À la fin de la journée, la lumière traverse l’intérieur du temple et met en relief les hiéroglyphes au mur.

Le masque funéraire de Toutânkhamon découvert par l’archéologue britannique Howard Carter en 1925.

Un des effets positifs de l’absence de touriste est que nous avons le privilège de visiter le temps d’Abou Simbel totalement seuls. À la suite de la décision de construire un barrage hydraulique à Assouan dont les eaux auraient menacé le sanctuaire, le temple a été entièrement démonté et délocalisé sous l’égide de l’UNESCO en 1968.

Sur la route, nous faisons des pauses toutes les deux heures dans des petites échoppes à l’ombre pour boire un coup. Ce sont nos refuges au milieu de la journée où le thermomètre grimpe régulièrement au-dessus de 40°C.

L’après-midi, ces lieux sont pris d’assaut par les badauds et les travailleurs.

Sur 1300 kilomètres de frontière, le seul point de passage entre l’Égypte et le Soudan se fait sur le lac Nasser via un ferry.

Une fois débarqué de l’autre côté du lac, le poste-frontière se trouve en plein désert.

Bientôt nous arriverons au Soudan après 1000 kilomètres sur la route. Ce que nous ne savons pas à ce moment c’est que la désorganisation règne au poste-frontière. Nous mettrons plus de 7 heures à le franchir.

— SOUDAN —
De Wadi Halfa à Khartoum

Wadi Halfa est la première ville en arrivant au Soudan depuis l’Égypte. Retardé par un passage de frontière laborieux, nous arrivons à la tombée de la nuit en quête d’un petit hôtel pour nous reposer.

Cette ville frontalière ne présente pas un intérêt foudroyant. Wadi Halfa est une ville de passage.

Elle est animée par les camions qui chargent et déchargent toutes sortes d’équipements électroménagers en provenance d’Égypte.

Le Soudan est loin d’être un pays touristique. Les guesthouses et les hôtels sont rares.

À mesure que nous nous enfonçons dans le Sahara, la chaleur est de plus en plus écrasante. Alors pour rouler quand il ne fait pas trop chaud, nous partons le matin au lever du soleil à 5h30.

Nous reprenons la route non sans une certaine appréhension. Contrairement à l’Égypte qui pullule de villes et de villages le long du Nil, le nord du Soudan est un véritable défi à vélo. Le pays est complètement désert et la seule route qui mène à Khartoum s’éloigne souvent de plusieurs dizaines de kilomètres du Nil. De plus, la distance qui nous sépare de la prochaine « ville » est de 190 kilomètres. Pour nous garantir suffisamment d’autonomie, nous avons emporté 2 batteries chacun pour nos vélos. En utilisant le mode d’assistance minimum, nous pouvons parcourir une petite centaine de kilomètres avec une batterie. La route est bonne mais le trafic est plus que léger. Nous croisons environ un véhicule toutes les 30 minutes environ.

Par 45°C nous avons l’impression en pédalant d’avoir en permanence un sèche-cheveux sur le visage. À l’arrêt, la chaleur est réfléchie par le goudron et nous brûle les mollets. Il fait si chaud, que notre transpiration s’évapore instantanément et laisse notre peau couverte de sel. Heureusement, nous trouvons parfois des petits abris sur le bord de la route dans lesquels reposent de grandes jarres remplies d’eau. Elle sont utilisées par les usagers de la route pour les ablutions et pour se rafraîchir.

Après 170 kilomètres sous un ciel de plomb et malgré avoir bu 10 litres d’eau, les crampes me gagnent et je m’effondre à l’ombre sous un petit abri.

Finalement après une petite pause nous gagnons le village d’Abri au bord du Nil. Source de vie, nous sommes heureux de le retrouver.

Nous prenons nos quartiers dans la seule guesthouse à des centaines de kilomètres à la ronde.

Les vélos tiennent bien le choc. La température n’affecte pas les batteries et chargé comme nous sommes, l’assistance électrique nous soulage beaucoup lorsqu’il y a du vent ou des légères côtes.

Aux alentours du village de Delgo, nous choisissons d’aller explorer une île sur le Nil.

Il nous faut pour cela traverser le fleuve sur une barque à moteur.

Nous ne sommes pas les seuls à vouloir faire la traversée. Sans pont, c’est le seul moyen d’aller d’un village à un autre.

Nous contemplons le Nil en essayant d’imaginer que l’eau que nous avons sous nos yeux prend sa source à des milliers de kilomètres d’ici. C’est un moment apaisant, à la tombée du jour quand la chaleur redescend.

Nous nous réveillons dans une tempête de vent et de sable comme il peut y en avoir beaucoup dans le Sahara.

Le trafic au Soudan est si faible, que les voyageurs peuvent attendre plusieurs heures avant de croiser un camion ou une voiture.

Mis en retard à cause de la tempête de sable, nous prenons la décision de faire un morceau de la route en mini-bus. Continuer à vélo nous contraindrait à passer à côté des merveilles archéologiques du Soudan.

Nous arrivons à Karima au cœur du Sahara. La chaleur est étouffante, le sable et la poussière envahissent tout. Les chaussures, les routes, les maisons… et rend la vie en ces lieux très difficile.

Nous faisons des provisions dans des petits magasins comme celui-ci.

Ou sur des marchés, comme ici à Atbara.

Nous passons par un incroyable marché aux animaux à Kabushiya.

Des fortes pluies se sont abattues sur la région, créant des inondations. Ces précipitations annoncent la fin du Sahara et le début du Sahel.

Selon certains textes religieux, le prophète Mahomet se teignait au henné. Certains hommes se teignent alors la barbe dans l’espoir de gagner des bénédictions.

L’après-midi, aux heures les plus chaudes de la journée nous trouvons refuge dans des petits restaurants.

Sous les regards amusés des enfants.

Le site à couper le souffle de Méroé. Ce sont ces pyramides oubliées qui m’ont attiré en premier lieu au Soudan. Ce pays compte plus de pyramides que l’Égypte. Elles sont aussi des tombeaux funéraires, érigés en l’honneur des rois et des reines de Nubie. Elles sont en revanche plus petites et plus pointues que leurs voisines égyptiennes.

Nous déambulons seuls entre les ruines et les sépultures du site de Méroé.

Le site est très étendu et les fouilles sont loin d’être terminées. De nombreux vestiges restent encore à découvrir.

Certains sont vêtus de vert, couleur de l’islam, de la tête aux pieds.

La communauté prie, chante et danse avec une ferveur impressionnante.

Les participants tournent sur eux-même ou bien se balancent longuement d’avant en arrière tout en répétant la « chahada » (la profession de foi musulmane) dans l’attente d’entrer en contact avec Allah.

Certains d’entre eux entrent en transe et ne semblent plus maitriser leurs propres mouvements.

Ce mois à travers le Sahara en vélo électrique a été plus éprouvant que nous l’imaginions. La chaleur, le vent et la poussière nous ont étonnés par leur intensité et remplis d’humilité pour ces peuples du désert. Nous n’oublierons pas ces grands sourires et ces welcome qui nous ont accompagnés tout au long du Nil.

En revanche, l’accueil de notre aventure par la marque Easybike a malheureusement été moins chaleureux. Si nous avons pu utiliser leurs vélos, elle n’a pas tenu ses engagements financiers quant à la production du documentaire et à la suite donnée à cette opération.

Retrouvez la carte interactive de notre aventure sur LiveXplorer.

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