THE TRANSCONTINENTAL RACE
16 jours // 15 heures // 48 minutes
Le 25 juillet 2015 à minuit, j’ai pris le départ de la troisième édition de la Transcontinental Race, aux côtés de 172 autres cyclistes venus des quatre coins du globe. Les règles de la course sont simples : relier à vélo la Flandre à Istanbul en passant par 4 checkpoints en Europe, sans assistance et sans support. Le premier d’entre nous arrivera en un peu moins de 10 jours, soit une moyenne de 425 kilomètres quotidiens.
“In the early days of bicycle racing there was a time when plucky riders took on long hard races alone with no team cars and soigneurs to look after them. They were hardy and desperate men who ate what they could find, slept when they could and rode all day. They weren’t professional athletes or men of means, they were mavericks, vagabonds and adventurers who picked up a bicycle and went to seek their fortune.”
Jour #0, Grammont, Belgique. H-5 du départ de la course. © Matthias Wjst
Jour #0, Grammont, Belgique. Briefing avant le départ. © Matthias Wjst
Jour #0, Grammont, Belgique. Départ pour une course de plus de 4 000 kilomètres. J’ai de particulièrement belles chaussures, merci Papa.
Jour #0, Grammont, Belgique. Sur le Muur, monument de l’histoire du cyclisme, départ à minuit.
Jour #0, Flandre, Belgique. À chaque checkpoint, nous devrons faire poinçonner notre ‘brevet card’.
Jour #1, Belgique 3h du matin. Je suis le numéro #148, nous sommes équipés chacun d’un tracker GPS permettant d’être suivis toutes les 5 minutes !
Jour #1, Champagne-Ardenne, France. Au bord de l’hypothermie pour la première nuit de la course, je m’offre le luxe d’un hôtel Formule 1 pour la seconde, dans la banlieue de Châlons-en-Champagne afin de mieux dormir et de faire sécher mes affaires.
Jour #2, Bourgogne, France. Hébergé chez l’habitant à Saint-Seine-l’Abbaye.
Jour #3, Louhans, France. Catastrophe ! Une tendinite d’Achille m’empêche de continuer la course. J’ai sous-estimé l’entraînement, mes tendons ne sont pas prêts pour un effort si intense. Je m’arrête 36h, au bord de l’abandon.
Jour #4, la douleur se dissipe un peu, j’adapte ma technique de pédalage en mettant la pointe de mon pied droit en avant pour solliciter au minimum mon tendon d’Achille. Je ne tiens pas mon objectif quotidien de 250 kilomètres. Ce jour, je ne fais que 170 kilomètres.
Jour #4. Je passe Lyon. Objectif : Sud.
Jour #4, Beaurepaire, France. Nuit à la belle étoile en Isère.
Jour #5, Bédoin, France. Prêt à grimper le Géant de Provence, classé hors catégorie par le Tour de France.
Jour #6, Mont Ventoux, France. Au sommet du Mont Ventoux à 1 911 m, la nuit est fraîche. Je dors dans un garage.
Jour #6. Passage du premier checkpoint au sommet du Mont Ventoux, France (1 911 mètres d’altitude). Ascension nocturne la veille, direction l’Italie.
Jour #6. Paysage lunaire au sommet.
Jour #6. Descente glacée vers Sault, France.
Jour #6, Lac de Serre-Ponçon, France. Passé le Mont Ventoux, j’aborde la course avec un peu plus de sérénité.
Jour #6, Briançon, France. Coucher de soleil sur les Alpes, je re-découvre mon propre pays.
Jour #6, Briançon, France. À 10 kilomètres de l’Italie. Ma tendinite est toujours douloureuse, j’essaye de ne pas trop y penser et cherche à avancer le plus possible.
Jour #7, Casale Monferrato, Italie. Un goût de Turquie, ravitaillement dans un kebab.
Jour #9, frontière Italie-Slovénie.
Jour #10, Ljubljana, Slovénie. Après plus de 2 100 kilomètres depuis le départ, grosse fatigue. Je m’écroule un peu après le déjeuner dans la banlieue de la capitale slovène, à bout.
Jour #10. La Slovénie apporte son lot de collines et de plaines verdoyantes qui sont les bienvenues après trois jours d’une extrême morosité dans le nord de l’Italie.
Jour #10, Slovénie. Ouch. Les Alpes derrière moi, c’est un peu plus de la moitié du dénivelé total de la course (soit 42 000 mètres de D+) que j’ai effectué.
Jour #10. Passage nocturne de la frontière Slovénie – Croatie.
Jour #12, Vukovar, Croatie. Passage du troisième checkpoint ! La chaleur est écrasante, je ne peux presque pas rouler entre 13h et 16h. Le mercure grimpe à 46°C.
Jour #12, frontière Croatie – Serbie. Après quelques jours de réflexion, je prends une difficile décision. Je choisis de ne pas aller au checkpoint #4 au Monténégro et donc d’abandonner la course et un classement officiel. Ma tendinite m’a malheureusement trop ralenti en France et je ne pourrai arriver à Istanbul avant le départ des organisateurs. Au-delà du fait d’être tout seul à l’arrivée à Istanbul, il me faudrait aussi décaler l’avion pour Irkoutsk en Russie que je prenais pour commencer une nouvelle aventure, en 4L cette fois-ci ! (voir l’aventure intitulée « Traversée de l’Asie centrale en 4L »)
Jour #13, Serbie. Erreur de débutant. Ne pas prendre la route la plus courte sur la carte.
Jour #13, Kraljevo, Serbie. Mon iPhone qui me sert de GPS me lâche. Il ne charge plus. Je m’empresse de trouver un hôtel et note méthodiquement sur un papier le restant de mon itinéraire jusqu’à Istanbul. Il me reste un peu moins de 900 kilomètres à faire, à l’aveugle.
Jour #14. Avant-dernière frontière avant la Turquie. C’est la deuxième fois que je m’apprête à traverser la Bulgarie à vélo. La première fois était à l’été 2011 (voir l’aventure intitulée « Budapest – Istanbul »).
Jour #15, Kapıkule, Turquie. Entrée dans le huitième pays de ma course. Je suis à 300 kilomètres de la ligne d’arrivée !
Jour #15, Lüleburgaz, Turquie. Peu avant 23h dans une station service, exténué après une journée de 300 kilomètres.
Jour #15, Lüleburgaz, Turquie. Ma dernière nuit de la course, après plus de 16 heures sur ma selle, je trouve refuge dans des taillis à 20 mètres de l’autoroute E80 en Turquie.
Jour #16, Istanbul, Turquie. Le Bosphore.
3 775 kms, 16 jours // 15 heures // 48 minutes
La Transcontinental Race est une course dont la difficulté se manifeste par le nombre d’abandons : la moitié d’entre nous n’est pas arrivée à Istanbul. Si j’ai franchi la ligne d’arrivée au terme de 16 jours d’effort, je n’ai pour autant pas de classement officiel puisque que je ne suis pas allé au checkpoint n°4 au Monténégro. Une décision difficile à prendre, mais que je ne regrette pas. À la suite de ma blessure en France dans les premiers jours, mon seul objectif fut alors d’aller le plus loin possible dans la course. Chaque jour était une véritable lutte où il me fallait faire face à la fatigue, les intempéries, l’ennui, la solitude, la souffrance… Une expérience d’auto-suffisance, sportive et mentale unique qui m’a ouvert la porte vers des ressources et un potentiel que je ne soupçonnais pas.
Retrouvez toutes les photos de Matthias Wjst, photographe officiel de la Transcontinental Race 2015 sur wjst.de.