KIRGHIZISTAN

Immersion dans la vie des nomades kirghizes

C’est ma deuxième visite au Kirghizistan. J’y étais déjà allé en 2015 au cours de ma traversée de l’Asie centrale en 4L. Cette fois je suis de passage pour rejoindre la ville chinoise de Kachgar dans le pays ouïghour. J’ai décidé de passer une partie de mon été 2017 à parcourir à vélo la Karakoram Highway, l’une des plus hautes routes du monde. Elle commence en Chine et termine au Pakistan à travers la chaîne montagneuse du Karakoram. Mais rejoindre le début de la route à Kachgar depuis Paris est difficile. La majorité des plans de vol me font faire trois fois le tour de la terre alors que Bichkek, la capitale du Kirghizistan, est à « seulement » 1 000 km de Kachgar et que les avions pour m’y rendre sont à moins de 200 €. Mon choix est rapidement fait. Pendant une semaine j’arpente en autostop les montagnes, les lacs de haute altitude et les vallées du Kirghizistan avant de prendre un minibus pour le sud du pays et d’enfourcher mon vélo, direction la Chine.

Ala-Too Square à Bichkek, où trône une imposante statue de Manas, le héros épique national.

En fin de journée, les familles, les couples et les groupes d’amis se rassemblent sur la place. Certains profitent de l’espace pour jouer au volley.

Après avoir avalé un « plov », le traditionnel plat d’Asie centrale, je décide de quitter Bichkek et de me rendre au lac de Son Koul au centre du pays dans le massif des Tian Shan.

Je m’arrange pour monter dans une voiture qui s’y rend et partage la banquette arrière avec une petite fille de 4 ans.

En chemin nous passons devant une famille de nomades kirghizes en plein dépeçage d’un buffle. Les nomades vivent en grande partie de l’élevage et de la production de produits laitiers.

Le lac de Son Koul se situe dans une cuvette aux pentes douces entourée de crêtes montagneuses, il n’est accessible qu’en été.

À 3 000 m d’altitude, le lac est libre de glace seulement 4 mois par an, de juin à septembre. Les nomades Kirghizes s’y installent donc de manière saisonnière pour faire paître leurs chevaux, leurs bovins et ovins. Je suis invité à partager la yourte d’une famille pour la nuit. À seulement 12 ans, le plus jeune fils sait déjà tout faire. Lorsque son père surveille à cheval ses troupeaux, c’est lui qui s’occupe avec sa mère de la maison. Avant la tombée de la nuit, il recouvre une réserve de bouse séchée qui sert de combustible, pour la protéger de l’humidité.

Malgré son jeune âge, c’est lui qui vérifie la jauge d’essence pour le moteur du bateau en vue d’une pêche nocturne. Je passe du temps avec lui, sa maturité et son autonomie m’impressionnent.

Chargement du bateau avec le moteur, l’essence et des sacs pour les poissons.

Le lac de Son Koul n’est pas très profond (15 mètres en moyenne) mais c’est la plus grande réserve naturelle d’eau douce du Kirghizistan et il regorge de poissons. Après le dîner, le père de famille et son frère partent pêcher sur le lac pour toute la nuit. C’est à ce moment me disent-ils, qu’il y a le plus de poissons.

Les nomades se déplacent à cheval, souvent accompagnés de chiens pour surveiller leurs bêtes.

Cavalier solitaire sur les rives du Son Koul au crépuscule.

Le lendemain, nous déjeunons sous la yourte familiale où comme le veut la tradition nomade, des personnes de passage se joignent au repas. Au menu : la pêche de la nuit ! Une petite partie a été mise de côté pour la famille tandis que la très grande majorité est vendue sur les marchés à 200 som l’unité (2,50 €) à Kotchkor, la première grande ville sur la route de Bichkek.

Tout le monde contribue à la préparation du poisson. Le père de famille écaille puis vide les poissons et la mère s’occupe de les frire dans l’huile.

Le poisson est accompagné de thé, de petits biscuits russes et de pain rassis. Le mode de vie de ces nomades reste traditionnel mais est paradoxalement assez urbain. Ils possèdent une voiture, une barque à moteur… La proximité avec la route ainsi que le caractère saisonnier de l’installation estivale de ces familles sur les rives du lac l’expliquent.

Après le déjeuner, le fils de la famille qui ne se repose jamais, déplace à lui tout seul un troupeau de chevaux. Ce qui marque le plus à Son Koul, ce sont les couleurs éclatantes de la nature : l’herbe verdoyante, le bleu vif du lac et la blancheur immaculée des sommets enneigés.

Je rejoins la ville de Sary-Tash dans la vallée d’Alaï au sud du pays en minivan avec mon vélo que j’avais laissé à Bichkek, le temps de découvrir le lac de Son Koul. C’est ma dernière étape au Kirghizistan avant de prendre la route pour la Chine à une centaine de kilomètres de là.

C’est un village d’environ 1 500 habitants, au carrefour du Kirghizistan, de la Chine et du Tadjikistan sur la route des Pamirs. Comme dans le nord du pays, la bouse séchée sert de combustible pour le chauffage.

Après quelques jours à arpenter le Kirghizistan, je suis enfin en selle ! Je suis comme un gamin, heureux d’être de nouveau connecté à l’asphalte. Je fais beaucoup de photos, je n’avance pas très vite, mais cela ne fait rien. Je roule, je suis sur la route, je vais vers la Chine.

Je concrétise ici plusieurs choses : l’envie de partir à nouveau en vélo de randonnée (mon dernier voyage remonte à 2011, voir l’aventure « Budapest – Istanbul ») et la perspective de découvrir la Chine de l’Est ainsi que le Pakistan.

Alors que la Pamir Highway est une route relativement empruntée par les cyclotouristes et les voyageurs en été, celle qui mène à la Chine est complètement déserte. À 3 770 m, la température est fraiche et le vent très changeant me déstabilise un peu.

Je croise des citadins de la ville de Och qui profitent de leur week-end pour venir observer leurs troupeaux de chevaux dans la vallée d’Alaï.

En me voyant passer, les nomades me font constamment des grands signes pour que je m’arrête.

Avec mes rudiments de russe, nous parvenons à échanger quelques mots.

Balloté par les bourrasques de vent et n’ayant pas encore tout à fait trouvé l’équilibre sur mon vélo avec mes sacoches, je trouve refuge chez un homme qui m’invite à prendre le thé chez lui. Il remplit mon petit bol à chaque gorgée et m’offre du pain sur lequel j’étale du beurre rance. Après le thé, nous nous installons dans la chambre au fond sous une épaisse couverture pour regarder un film kirghize dont je n’attends pas la fin tellement je ne comprends rien.

La route qui mène à la Chine est la route E60. C’est un itinéraire du réseau routier européen de 8 200 km de long, reliant Brest à Irkeshtam, soit la frontière chinoise !

Arrivée à Irkeshtam, la ville où se trouve le poste-frontière entre le Kirghizistan et la Chine. Une file de camions kirghizes et chinois attendent que la frontière ouvre le lendemain. C’est une ville triste, les habitations sont des containers, d’anciens wagons ou des abris de fortune.

Je trouve refuge dans la chambre d’une petite auberge miteuse. En attendant que le soleil se couche, je sympathise avec quelques chauffeurs que j’observe en dinant depuis le couloir menant à ma chambre.

Au loin, la rivière coule à flots vers la Chine. J’adore les rivières. Mais j’aime encore plus regarder défiler le courant, ce mouvement permanent me transporte un peu. Je suis en mouvement moi aussi.

Lire la suite de l’aventure à l’aventure « La Karakoram Highway à vélo ».

Partager cette aventure
WordPress Image Lightbox

LA NEWSLETTER DE MATTHIEU

Recevoir des nouvelles fraîches de mes expéditions, conférences, livres et films.

You have Successfully Subscribed!