MARATHON DES SABLES

Ultra-trail de 250 km dans le Sahara

Je ne suis pas un grand coureur, je ne sais même pas si j’aime courir. Ce que j’adore en revanche c’est l’aventure, c’est me retrouver dans un milieu hostile en autonomie. Ce sont ces raisons qui m’ont poussé à m’inscrire au Marathon des Sables, une course à pied par étapes de 250 km de long, en autosuffisance alimentaire dans le désert du Sahara. Le Marathon des Sables a la réputation d’être l’une des courses les plus difficiles au monde. C’est vrai la course est intense, surtout pour ceux qui la font en tête. Mais la barrière horaire aux checkpoints étant large, la probabilité de terminer l’épreuve est assez élevée. Cela n’enlève toutefois rien à la difficulté liée au terrain et à la chaleur. Durant la course, j’ai dû faire face à des dunes, des plateaux caillouteux, des oueds asséchés, des petites montagnes, le tout en 6 étapes de 30,3 à 86,2 km, parfois sous 51°C. J’ai participé à la 32ème édition du Marathon des Sables en avril 2017, avant de partir je savais que ça allait être difficile. Ça l’a été.

Le quotidien Paris-Normandie du 10 mars 2017. En plus de mes sorties hebdomadaires à Paris, j’ai fait un entraînement grandeur nature en parcourant 85 km sur la côte normande, de Dieppe à Étretat.

Pour une course comme le Marathon des Sables, le poids du sac est primordial. À l’exception du matériel obligatoire chaque coureur est libre d’emporter ce qu’il souhaite. Tout est une question de compromis entre poids du sac et confort. Un sac léger permettra de raccourcir le temps de course, tandis que le confort sur le bivouac pourra permettre de mieux récupérer. Selon le règlement, le sac à dos doit peser entre 6,5 et 15 kg (sans l’eau) et comprendre le matériel obligatoire suivant. Un sac de course, un sifflet (intégré au sac), un sac de couchage, une lampe frontale, une boussole, un miroir de signalisation, un couteau, un briquet, une couverture de survie, une pompe aspivenin, crème solaire (pas sur la photo), 200€ en liquide (pas sur la photo), un passeport. En plus du matériel obligatoire, voilà ce que j’ai emmené : un tapis de sol, une tenue coupe-vent de bivouac légère, un short de course avec cuissard, des manchons de compression (pas sur la photo), un tee-shirt manche longue de course, un tee-shirt et un collant technique pour le bivouac, une paire de tongs, des lingettes nettoyantes, des baskets de trail, des guêtres, deux paires de chaussettes de trail, un buff, une casquette saharienne, une montre GPS, des bâtons de marche, des lunettes de soleil, un iPod Shuffle, des écouteurs, un iPhone et un câble d’iPhone (pas sur la photo), une batterie externe, une brosse à dent et dentifrice, une gamelle (pas sur la photo), une cuillère, un réchaud, des pastilles pour le réchaud, deux bidons d’eau, un rouleau de papier toilette. La course se faisant en autonomie alimentaire, mon sac contenait également des repas et de la nourriture de course pour 6 jours. L’intégralité de mes repas étaient lyophilisés et reconditionnés dans des sacs de congélation pour un poids total d’environ 4,5 kg et une valeur énergétique de 20 000 calories. © Stéphanie Itsuko

Photo officielle à l’issue du contrôle des sacs. À la pesée, j’ai tout juste 10 kg sur le dos auxquels il faudra ajouter 3L d’eau.

Le parcours de l’édition 2017 du Marathon des Sables fait 237 km. La première étape : 30,3 km, la deuxième : 39 km, la troisième 31,6 km, la quatrième : 86,2 km, la cinquième : 42,2 km et la dernière, l’étape solidarité : 7,7 km. Si le parcours est assez « court » cette année, il se caractérise par un dénivelé conséquent avec l’ascension de plusieurs jebels (montagnes rocheuses).

Le Marathon des Sables est une course qui a été créée en 1986. L’édition 2017 rassemble un peu moins de 1 200 coureurs dont 20% de femmes. La première journée de l’évènement est une journée administrative de contrôle des sacs et des électrocardiogrammes, de remise de pastilles de sel à ingérer pendant la course etc.

Pour subvenir à la lourde logistique, 450 bénévoles et employés travaillent sur la course. En début de soirée, certains d’entre eux profitent d’un temps mort pour s’offrir un moment de détente.

Le bivouac compte 300 tentes berbères qui sont montées et démontées quotidiennement. Nous sommes 8 par tente et nous gardons la même équipe tout au long de la course. Grâce à mon ami Thomas, ancien podologue bénévole, je me retrouve entourés de ses amis, tous anciens contrôleurs et infirmiers sur les précédentes éditions. L’ambiance est festive, je n’aurais pu mieux tomber.

Les marocains qui apportent leur soutien à la logistique font des feux le soir. La veille du départ certains d’entre nous s’y rassemblent, à la fois impatients et curieux de découvrir ce que les prochains jours nous réservent.

Le dimanche 9 avril, nous nous élançons au son de « Highway to Hell » d’AC/DC dans les dunes du sud Maroc. Ces premiers instants sont libérateurs. Ils mettent un terme à des longs mois de préparation physique et logistique. Je suis soulagé de faire enfin mes premiers pas dans le désert et d’attaquer ce challenge sportif.

Les dunes laissent place à des grandes étendues caillouteuses. Comme elles sont plates, elles permettent d’avancer plus vite, mais lorsqu’elles font plusieurs kilomètres de long, elles sont usantes pour le moral.

Je suis plus à l’aise dans les dunes. Le contact du sable est plus agréable que les cailloux, ce qui soulage la plante de mes pieds. La progression est plus lente que dans les plaines mais je peux compter sur mes bâtons qui facilitent considérablement la marche.

Sur le parcours on trouve des checkpoints tous les 10 km environ. À chaque halte, on reçoit 1,5 ou 3 litres d’eau, soit 1 ou 2 bouteilles.

C’est aussi l’occasion de se reposer quelques minutes à l’ombre avant de continuer la course.

Chacun courant à son propre rythme, nous nous retrouvons le soir au fur et à mesure des arrivées sous la tente n°59. Nous utilisons notre temps libre pour soigner nos pieds à la clinique, nous reposer et nous alimenter.

Chaque arrivée au bivouac est un moment de soulagement, après de longues heures passées sous le soleil brûlant du désert.

Réveil à 6h le matin pour nous laisser le temps de nous préparer avant de prendre le départ d’une nouvelle étape à 8h30. Au petit déjeuner, je mange du taboulé lyophilisé que je ré-hydrate avec de l’eau froide. Merci à la journaliste sportive Peggy Bergère de m’avoir suivi tout au long de la course pour le quotidien sportif L’ÉQUIPE (retrouvez mon interview en bas de la page) © Jean-Marie Gueye

Je croise des dromadaires sauvages sur le parcours. En saison chaude, ils peuvent se passer de boire pendant 2 à 3 semaines. Pour notre part, nous buvons environ 12 litres d’eau par jour.

Je passe une bonne partie de la course aux côtés de Guillaume et Mathieu, deux de mes compagnons de tente. Nous nous soutenons dans l’effort et ça fait du bien.

Pas question de s’arrêter sur la course pour déjeuner. Pendant la journée, je mange des cacahuètes salées, des noix de cajou, du saucisson, des pâtes de fruit et des abricots secs.

Le parcours passe par plusieurs ascensions de jebels dont le plus haut, le jebel El Otfal culmine à 800 mètres d’altitude.

Ces montées ralentissent notre progression, mais les vues que les sommets offrent sur le désert sont inoubliables.

De l’autre côté, la descente est périlleuse et il faut se cramponner à une corde. Au loin (en haut à droite sur la photo), on peut apercevoir le bivouac qui marque la fin de l’étape. Il se trouve à 5 km.

Dans le sable mou, on peut descendre à vive allure, ce qui libère les jambes après une ascension exigeante.

Les guêtres sont quasiment indispensables sur la course. Très peu de coureurs s’en passent. Scratchées aux baskets, elles empêchent une grand partie du sable d’entrer à l’intérieur de la chaussure.

Probablement un des meilleurs moments de la journée. Apercevoir le bivouac et la ligne d’arrivée de l’étape est toujours un moment de libération qui nous fait oublier toutes les peines du jour.

Arrivée de l’étape n°3. À ce niveau de la course, nous avons parcouru une centaine de kilomètres. Une webcam est installée près de l’arche permettant à nos proches de nous voir franchir en direct la ligne d’arrivée après chaque étape.

Un système de transmission de mails a aussi été mis en place par l’organisation. Tous les soirs, nous recevons les messages qui nous sont adressés ce qui fait un bien fou au moral.

Taboulé au petit déjeuner. La nourriture est importante sur ce genre de course. Il faut à la fois emporter suffisamment de calories, sans que cela pèse trop lourd. Le soir j’avale une soupe déshydratée avant de manger un plat lyophilisé (macaronis au fromage, poulet riz, spaghettis bolognaise…) et un dessert lyophilisé (compote de pomme).

Tous les matins sous la tente 59, nous répétons les mêmes gestes. Protection de nos pieds et de nos orteils avec de l’elastoplast, habillage, remplissage de nos bidons d’eau et empaquetage de nos sacs. Au fur et à mesure des jours, les sacs s’allègent et deviennent plus faciles à fermer et à manipuler.

Luke Robertson est un aventurier professionnel écossais (www.lukerobertson.org). Je l’ai rencontré lors de mon expédition au Groenland (voir aventure « Groenland »), au cours de laquelle nous partagions la même tente. À la suite de cette expédition, Luke a atteint à ski et en solo le Pôle Sud en 39 jours depuis la côte Antarctique (expédition « Due South »). Cette année, il courait le Marathon des Sables aux côtés de sa femme Hazel, avec qui il va tenter à l’été 2017 de traverser l’Alaska jusqu’à l’océan Arctique à vélo, à pied et en kayak (expédition « Due North Alaska » www.duenorthalaska.com). C’est un hasard que Luke et moi nous soyons inscrits au Marathon des Sables cette année, nous nous croisons souvent sur la course comme ici à un checkpoint.

Premiers kilomètres de la quatrième étape, longue de 86,2 km. C’est celle que je redoute le plus, mais nous disposons de 35h maximum pour la terminer.

Les coureurs élites partis 3h après nous ce jour nous rattrapent rapidement. C’est impressionnant de voir ces athlètes à l’œuvre passer à nos côtés. Ici, le britannique Thomas Evans qui finira troisième au classement général final.

Pendant ces longues heures de course, je me perds dans mes propres pensées. Je ressasse des bons souvenirs et je pense à l’avenir en rêvant de nouvelles aventures. La musique m’aide aussi à m’évader et à mieux supporter cet effort continu.

Face à cette nature hostile et confrontés à nos propres limites physiques et mentales, les liens entre chaque concurrent se resserrent naturellement. Le Marathon des Sables, c’est avant tout une histoire de solidarité et de partage.

La chaleur est écrasante et l’ombre inexistante. Les heures de course entre 13h et 15h sont très pénibles. Au plus chaud, il a fait 51°C.

C’est un privilège de pouvoir fouler les majestueuses dunes du Sahara et de traverser une petite partie de ce désert.

Au loin, un checkpoint dans lequel les contrôleurs de course nous distribueront 3 litres d’eau.

La nuit tombe sur la longue étape du quatrième jour. À ce moment en compagnie de Guillaume et Mathieu nous avons parcouru une cinquantaine de kilomètres.

Arrivée de nuit au checkpoint 4 sur lequel nous nous arrêtons plus longuement pour manger un plat lyophilisé. Je continuerai avec mes deux acolytes jusqu’au checkpoint 5 (km 56,1) avant de les laisser passer devant. Je suis un peu à bout physiquement, mes pieds sont douloureux, j’ai de nombreuses cloques et je suis somnolant. Il me reste 30 km à parcourir, je décide de dormir 1h et de repartir un peu avant minuit.

La nuit a été difficile et solitaire. Je progresse lentement et m’arrête à chaque checkpoint pour me reposer. Ici au checkpoint 7, le dernier avant la ligne d’arrivée, je m’attaque aux 10 derniers kilomètres au lever du jour.

Au loin, le bivouac.

Face à cette délivrance, je ne peux retenir quelques larmes d’épuisement. J’ai fait 184 km en 4 jours.

24h après le départ, je franchis la ligne d’arrivée. Je tiens encore debout mais mes bâtons me sont d’un grand soutien.

Nous passons une bonne partie de la journée à nous reposer, exténués par cette étape éprouvante.

En fin d’après-midi, je fais soigner mes cloques. Une équipe de médecins et de podologues bénévoles s’occupent tous les jours de nous, afin de pouvoir repartir le lendemain dans les meilleures conditions.

Quelques minutes avant la barrière horaire, nous sommes nombreux à nous rassembler sur la ligne d’arrivée pour accueillir le dernier concurrent, 35h après le départ.

Deux berbères accompagnés de leurs dromadaires ferment la marche. Ils font tout le parcours à l’allure du dernier concurrent et veillent à ce que les barrières horaires à chaque checkpoints soient respectées. Se faire doubler par le dromadaire signifie une mise hors course.

À l’arrivée de la quatrième étape après 86,2 km dans le désert, du thé sucré est servi aux derniers arrivants.

Début de la cinquième et dernière étape. Nous sommes fatigués, nos pieds sont abimés mais à ce stade de la course, rien ne peux plus nous arrêter.

Je me sens plutôt en forme sur ce dernier jour. J’accélère et double plusieurs groupes, je fais la course seul. Je pense à la ligne d’arrivée, je me concentre sur les checkpoints et j’essaye malgré l’effort et mes pieds douloureux de profiter de ces derniers instants de désert.

Je suis à une dizaine de kilomètres de l’arrivée. Mes pieds sont gonflés et cloqués et je souffre sur la piste caillouteuse qui mène au checkpoint 3.

777 mètres de l’arrivée. Depuis quelques kilomètres, depuis le moment où je vois le bivouac, mes jambes s’emballent et je cours à vive allure. L’euphorie de l’arrivée fait disparaitre toutes mes douleurs.

Je franchis la ligne d’arrivée avec émotion, heureux, après 237 km à pied dans le désert du Sahara.

Malgré un tannage assidu de mes pieds dans les mois qui précédaient la course, je n’ai pu éviter les cloques et les échauffements. Mais en les soignant immédiatement, aucune m’ont empêché de poursuivre la course ou m’ont considérablement ralenti.

Médaille finisher du 32ème Marathon des Sables remise par Patrick Bauer en personne, le créateur de la course.

La dernière étape de la course est une courte étape solidarité. Le Marathon des Sables via son association « Solidarité Marathon des Sables » construit des centres sportifs au profit de populations défavorisées au Maroc. Nous faisons cette dernière étape avec toute l’équipe de la tente 59 (de gauche à droite : David, Mathieu, Guillaume, Pauline, Greta, Meheza, Thomas et moi.

Le Marathon des Sables, c’était pour moi un rêve. À l’origine, c’était une course qui me paraissait inaccessible, trop dure, trop intense. Et finalement, après avoir couru plusieurs marathons au cours de ces dernières années (notamment celui de Pyongyang en Corée du Nord) et un ultra-marathon (la SaintéLyon), la course marocaine m’est apparue comme moins difficile. Je me suis inscris de nombreux mois en avance et pour me préparer j’ai couru régulièrement sans en faire trop (entre 20 et 30 km par semaine). Ce qui m’attirait, c’était surtout de me retrouver au milieu du désert en autonomie alimentaire aux côtés d’un millier d’inconnus, avec le challenge quotidien de relier chaque étape à pied. La performance sportive m’importait peu, j’ai participé au Marathon des Sables pour vivre une aventure intense en émotions, forte en découvertes et riche en aventures. Retrouvez mes interviews sur le site du Marathon des Sables avant l’épreuve et sur le site de L’ÉQUIPE pendant l’épreuve.

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