BUDAPEST – ISTANBUL
À 19 ans, seul à vélo à travers l’Europe de l’est
Hongrie, 28 Juin 2011
Sur le tapis roulant des bagages à l’aéroport de Budapest, le carton du vélo est en mauvais état. Transpercé par les pédales, tous les scotchs lâchent lamentablement lorsque je tente de le soulever. Un homme vient m’aider à rassembler mes affaires éparpillées sur le sol et je remonte laborieusement mon vélo. Je mets de nombreuses minutes à gonfler mes pneus et environ 1h pour atteindre le centre-ville. Il y a 24 heures, je servais encore des moules frites dans un restaurant de plage au Havre — comme à mon habitude, je suis parti à l’aventure dans la précipitation.
En cherchant un endroit pour dormir, je croise un Canadien en tour d’Europe, il est seul. L’auberge de jeunesse qu’il a réservé affiche malheureusement complet, je serais bien resté avec lui pour la soirée afin d’oublier la solitude toute nouvelle que j’éprouve en ce début de voyage. « Good luck ! », « You too buddy », nous nous quittons. J’ère dans les rues de la capitale hongroise, les monuments historiques et la ville glissent sur moi, mon esprit est ailleurs. En longeant le Danube, j’atterris dans une pension où je profite d’une réservation de dernière minute. Deux jours que je n’ai pas dormi, je suis épuisé. Il me faut pourtant avaler quelque chose, je n’ai rien mangé de la journée et il est 19h déjà. D’ailleurs je tremble un peu.
Au hasard, j’achète à un vendeur ambulant trois parts de pizza, j’en mange péniblement deux. Je n’ai pas faim… J’espère que je ne suis pas malade. Ou peut-être est-ce en fait l’anxiété qui me gagne ? J’ai 19 ans, je m’apprête à traverser à vélo la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et le nord de la Turquie. De Budapest à Istanbul.
À travers les Carpates, sur la Transfăgăran Highway en Roumanie.
Sur la plus haute route bitumée de Roumanie, je croise des bergers.
Vite ! Charger mon iPhone, ranger mes sacoches de vélo, rebrancher le compteur kilométrique, me laver… Fébrile, ne sachant pas par quoi commencer, je m’écroule tout habillé sur mon lit. 14 heures plus tard, ce sont les employées de l’hôtel qui me réveillent pour faire le ménage ! Je libère en vitesse la chambre, enfile mes affaires de vélo sur le palier et prépare la route jusqu’à l’étape de ce soir. Aujourd’hui je commence mes premiers coups de pédale vers Istanbul.
Si je suis la Route 5 j’arriverai jusqu’en Roumanie ! Les premières bornes sont difficiles, l’effort douloureux et mon compteur désespérément bas. Toutefois, le drapeau français à l’arrière de mon vélo fait sensation : les sourires que je récolte sur le bord de la route m’enhardissent, certains automobilistes m’encouragent comme si j’étais dans le peloton d’une course de cyclisme !
Mon carnet de bord.
En Bulgarie, un couple m’héberge comme leur propre fils.
À la tombée de la nuit, je laisse passer quelques maisons dans un village et m’arrête devant un portail gris. Les chiens ont annoncés ma visite. Étonné, un homme vient à ma rencontre, ses enfants le précédent. Avec des signes, je parviens à leur fait comprendre que j’aimerais dormir dans leur champ. Ils acceptent et m’offrent en cadeau de bienvenue des tomates et des concombres de leur jardin que je mange avec les pâtes cuisinées sur mon réchaud. À la lumière de ma lampe frontale, j’écris ces lignes. Je suis dans ma tente pour la première fois, rassuré d’être dans un lieu clos et cohabitant avec deux chiens qui n’ont de cesse d’hurler, des chats et des grenouilles qui se glissent sous la tente. Il est tard et je dois dormir. Je suis surpris d’avoir autant écrit ce soir. J’essaierai demain de faire plus de kilomètres qu’aujourd’hui. De toute façon cela sera moins intense, je ne roulerai pas 5h30 d’affilée puisque je pars beaucoup plus tôt cette fois.
Tiens les chiens ont arrêté d’aboyer.
Au terme de 3 semaines d’effort continu, j’atteins Sainte-Sophie à Istanbul.